La distance Certains vivaient à plus de 5 Km du collège et il fallait faire le trajet 4 fois par jour. Le trajet retour du collège à la maison ne posait pas de problème particulier et pouvait même représenter un moment de distraction et de liberté fort agréable. Par contre, le trajet pour aller au collège se faisait à pas de charge , en particulier entre 13 heures et 14 heures. On arrivait à la maison vers 12 heures 45, et il fallait trouver de quoi se nourrir avant de reprendre la route pour le collège. Les parents occupés dans les plantations ne prévoyaient pas le repas de midi et on devait se débrouiller. Bien souvent, la solution la plus simple était de mouiller le tapioca avec ou sans sucre si on en avait. L’autre solution était de se saisir du maïs séché au grenier, de l’égrainer, d’allumer le feu et de le faire griller dans un "frypan" sans arachide ou avec si c’était un jour heureux. Ce faisant, l’heure passait et on n’avait plus le temps de déguster le repas sans prendre le risque d’être en retard.
Le maïs grillé La solution était alors de mettre le maïs grillé dans la poche, en sautant sur un pied parce que ça brûlait. Nantis des poches pleines de maïs, on reprenait le chemin du collège à pas de course, sans pouvoir toujours prendre son repas. Enfin on arrivait à l’heure en classe, le ventre vide, le repas en poche. Pour le déguster, il y n’y avait qu’une possibilité , le faire pendant les cours , d’autant plus que le ventre tenaillait et réclamait justice. Dès lors, peu importait le matière étudiée dans l’heure. Pendant que le professeur débitait son cours à l’avant de la classe, une main furtive se glissait dans la poche en s’abritant derrière le camarade d’en face, pour envoyer dans la bouche une poignée de maïs. Là commençait la plus grande difficulté : pouvoir broyer le maïs discrètement sans le faire craquer, puis l’avaler avec le plus de salive possible pour éviter la sensation de soif qui finissait par arriver. Mais, broyer le maïs grillé sans le faire craquer était mission impossible et le voisin d’à côté finissait par découvrir la supercherie. En général, il ne demandait pas mieux que de participer au festin. Du coup, deux bouches broyant du maïs grillé sans craquement relevait du miracle. Finalement, le professeur surprenait la distraction et essayait de comprendre le problème. Bien entendu, on se précipitait pour dire "monsieur, il n’ y a rien, on est attentif". Incrédule, il s’approchait du couple à problème et à la distance d’un mètre, la forte odeur du maïs finissait la trahison. Il fallait maintenant se débrouiller pour éviter la fouille, au risque d’exposer le reste du repas caché dans la poche. Toujours est-il que ce repas était terminé, rassasié ou pas. Au mieux, le professeur était indulgent et nous reprenions le cours, au pire, on atterrissait à la permanence ou dans le bureau de soeur Jean Jo si c’était une récidive. Un repas préparé à l’arraché, une poche en guise de table à manger et une dégustation la plus discrète possible, j’ai voulu partager avec vous ce petit souvenir de 6e/5e qui autrefois était une préoccupation majeure pour un élève externe.